Les tâches du Lêopard

Un même mécanisme biologique est peut-être à l'origine des nombreuses variétés de dessins présents sur le pelage des animaux. Un modèle mathématique simple explique la formation de ces motifs au cours du développement embryonnaire ; en outre il explique pourquoi les motifs de différents individus d'une même espèce sont différents mais spécifiques du groupe auquel appartient l'animal.[1]

Le modèle de Turing

Physiquement les tâches sont des régions où le poil est d'une autre couleur. Des cellules pigmentaires particulières, les mélanocytes, déterminent la couleur du poil. Ces cellules se trouvent dans la couche la plus profonde de l'épiderme et produisent un pigment, la mélanine, qui migre dans les poils. Chez les mammifères, il existe essentiellement deux sortes de mélanine : l'eumélanine qui donne un poil noir ou brun et la phaeomélanine qui donne un poil jaune ou roux.

On pense que la production de melanine est déterminée par un système d'activateurs et d'inhibiteurs chimiques que Turing [3] appelait morphogènes. Le modèle de Turing fait partie de la grande famille des modèles de réaction-diffusion. On considère deux morphogènes qui réagissent l'un avec l'autre et diffusent à des vitesses variables :

On suppose qu'un des morphogènes est un activateur qui fait produire une mélanine (l'eumélanine par exemple) aux mélanoncytes et que l'autre est un inhibiteur qui bloque la secrétion de ce pigment. Si les réactions augmentent les concentrations locales en activateur et produisent simultanément l'inhibiteur, un ilôt de concentration élevée en activateur apparaîtra au centre d'une région de forte concentration en inhibiteur si ce dernier diffuse plus vite que l'activateur : ceci créera une tâche !

La modélisation

Mathématiquement [2] la description des étapes initiales de la formation des motifs par des mécanismes de réaction-diffusion ressemble à la description de la vibration des plaques minces : quand la surface est très petite, elle n'entretient pas les vibrations et les perturbations disparaissent rapidement. Le rôle de la forme du domaine apparaît nettement quand le domaine est très étroit et que les seuls modes de vibration sont simples (essentiellement dans une seule dimension) seules des bandes (ou des anneaux) apparaissent. Des motifs à deux dimensions n'apparaissent que dans des domaines suffisamment larges et longs ; ainsi un cylindre conique peut présenter des motifs variés, soit zébrés soit tachetés.

Figure: Comparaison des résultats du modèle (à droite de chaque figure) aux motifs de la queue du léopard (à gauche), de celle du jaguar et du guépard (au centre) et celle de la genette (à droite).
Figure

Examinons l'exemple du léopard, du guépard, du jaguar et de la genette : les tâches du léopard vont presque jusqu'au bout de la queue ; les queues du guépard et du jaguar comportent des zones différement rayées et la queue de la genette est totalement rayée. Ces motifs sont précisément ceux qu'indique le modèle compte-tenu de la structure embryonnaire des ces quatre animaux. Avant la naissance, la queue du léopard est fortement conique et assez courte : on s'attend à ce que les tâches aillent jusqu'au bout de la queue ; au contraire la queue de l'embryon de genette est quasi cylindrique et très fine de sorte que les tâches ne peuvent apparaître. Certains motifs n'apparaissent pas en raison d'effets de taille et de forme des embryons : un animal tacheté peut avoir une queue rayée, mais un animal rayé ne peut avoir une queue tachetée.[1]

Si la taille du modèle animal est trop petite, aucun motif n'apparaît ; puis, lorsque la taille augmente des structures plus variées et des tâches plus nombreuses apparaissent. Les extrémités fines (pattes, queues) conservent toutefois leur motif rayé, mais lorsque le domaine est très grand, la structure du motif est si fine que le pelage redevient presque de couleur uniforme.

Plus de détails mathématiques.

Une simulation numérique

Les boîtes combinées à droite permettent de choisir la forme du domaine et d'indiquer ou modifier les valeurs de xpas et gamma, soit en tapant directement une valeur (et en validant avec la touche ENTREE), soit à l'aide des flèches haut et bas ; les valeurs seront prises en compte lorsque le tracé sera relancé à l'aide du bouton Start.

Corps : carré de 96x96 (unité xpas) Queue : rectangle de 18x96 (unité xpas)
Vous ne pouvez changer de modèle que lorsque le programme est arrété (à l'aide du bouton textsf{Stop})
xpas
Bien que le paramètre \textsf{xpas} détermine la taille physique du domaine, celle-ci reste fixe à l'écran.
gamma
Pour une explication de ce paramètre voir ici
Les boutons en bas
Start
affiche, dans une fenêtre distincte, les premières valeurs de m et n pour lesquels lambda(k²) est positif. Dès que cette fenêtre est fermée la simulation démarre. On calcule et affiche l'évolution du motif correspondant.
Stop
Le bouton \textsf{Stop} interrompt le calcul : par exemple pour rentrer de nouveaux paramètres ou choisir un nouveau modèle. Sinon le programme s'arrête de lui-même lorsque le temps atteint la valeur 25.


Bibliographie

1
JAMES D. MURRAY Les tâches du léopard. Pour la Science Mai 1988.

2
JAMES D. MURRAY Mathematical Biology. Springer 1993.

3
LES GENIES DE LA SCIENCE : Turing   Le déterminisme et le vivant  novembre 2006.




© Universitê de Tours -jrl-    Document modifiê le 27/1/2007.